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SAINTES - MARIES - LA MER

de la recherche du père gitan à Galicha

1950 - 26 ans

"L'avion est monté tout droit très haut, j'étais partie vers d'autres horizons, je désirais m'arrêter deux semaines à Saintes-Maries-de- la-Mer et y connaître les gitans.  J'avais tellement besoin de changer d'identité, de m'en inventer une nouvelle pour mieux me comprendre et mieux être comprise des autres, que sans préméditation aucune, de ma tête est sortie cette affirmation: "Mon père n'est pas mon père, mon père de sang est un gitan, roumain, dresseur de chevaux dans un cirque" Tout le monde y a cru de suite, il semblait enfin que j'étais comprise.  Tout le monde y a tellement cru que pour moi-même dans ce jeu, c'était devenu une réalité.  Mon père roumain, je voulais retrouver sa trace à Stes-Maries-de-la-Mer."

Mémoires de Poucette

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"J'ai l'impression de vivre une sorte de rêve qui me réveille et me donne une joie intérieure, une force plutôt, un apaisement.  Depuis mon arrivée ici, je te l'ai dit, je me sentais très seule, un peu malheureuse, inquiète, comme devant une grille que je ne pouvais pas passer, tous ces gitans, bohémiens, sinti, voyageurs comme ils s'appellent, me regardaient très fort, venaient me demander des cigarettes et tous essayaient de m'emmener.  Ils me faisaient peur et surtout je me sentais très déçue, je ne savais comment les aborder, comment leur faire oublier que j'étais la femme, la rupine, la femme riche comme ils disent.  Et je pensais quitter Stes-Maries avec une impression fugitive et extérieure d'une race qui pour moi a toujours été de la nostalgie et dans laquelle je ne pénétrais pas."

Lettre à Youri Demeure

"Les roulottes arrivent par tous les chemins: roulottes organisées, montées sur pilotis ou simples roulottes couvertes d'une tente en arceaux tirées par un cheval."

​

"De vieilles voitures splendides et rococo tirées par de vieux canassons, ou bien par des voitures à essence de tout genre mais beaucoup plus par des chevaux.  Ils sont dégoutants et parfois splendides.​

Dans les bleus, les mauves, tout s'installait au gré de leur fantaisie."

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"Hier soir, vers dix heures j'ai fait le tour de leur campement avec une sacrée frousse.  Tous, autour de leurs feux, en conspirateurs, étaient hermétiquement fermés ou me regardaient avec provocation.  Ils ne se mélangent pas entre tribu, et doivent tous se méfier les uns des autres.  Le vent me fatigue, j'aimerais qu'il s'arrête cinq minutes et que tout cesse de tournoyer.

Ce matin, j'ai dû prendre pour quatre jours une chambre dans le village car dans l'hôtel, tout est retenu pour ses quatre jours.  Ils en profitent aussi et demandent cinq cent francs par chambre; aussi je me sers la ceinture pour établir un équilibre."​

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Dessins écrits gitans.jpg
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"J'ai marché longtemps et je me suis couchée sur le sable, mais après deux heures ce vent me rendait folle, une plage qui ressemble un peu à la côte belge, beaucoup de dunes mais personne dedans; de temps en temps un type à cheval avec une longue pique en main, des gardeurs de taureaux, des chevaux blancs en liberté, beaucoup de marais; c'est splendide comme poésie."

"Et puis les gitans arrivaient de plus en plus et le soir  il y eut des fêtes. Ils chantaient des airs espagnols ressemblant fort à de l'arabe, jouant de la guitare, buvant et dansant.  Déjà  en moi montait un amour fou pour eux, un désir d'être des leurs qui me faisait mal à l'intérieur.  Tous me frôlaient, me regardaient beaucoup.  Je parlais toute seule, femme et étrangère avec une dizaine d'entre-eux, se bousculant pour m'approcher comme des hommes près d'une femme.  Parmi eux,  il y a avait un garçon, presqu'un enfant, d'une pureté, d'une beauté inouïe. Tu n'aurais pas cessé de le regarder, mais surtout pour cette pureté.

Lui me regardait à peine, ne me demandait pas de cigarettes ni de sortir avec lui."

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"Un très beau garçon d'une vingtaine d'année avec une rose dans la bouche (où l'a t-il trouvée? Il n'y a pas de roses ici), de très belles filles toutes enceintes et beaucoup beaucoup d'enfants..."

"Galicha, petit gitan, si pur, si beau, analphabète. Je voulais t'apprendre à écrire pour te défendre; toi, tu me protégeais de ton écharpe quand il y avait du vent, tu la nouais autour de mon cou, ou tu me passais de force ta veste couleur du temps sur les épaules.

Nous avons dormi ensemble sur le sable, mêlés; nous avons dormi ensemble dans ma chambre où tu grimpais simplement par la fenêtre, riant devant les draps blancs du lit; tu n'avais jamais dormi dans un vrai lit puis à l'aube, comme un chat, tu sautais par la fenêtre et nous mangions du pain, de la charcuterie, des fruits; ton regard s'est rétréci quand j'ai voulu acheter moi."

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"Parfois tes yeux devenaient tristes, une grande voiture passait et tu disais: " je voudrais la posséder et partir loin avec toi.

Nous avons vécu quinze jours un rêve impossible.

Il y avait les touristes qui arrivaient de partout, insolents, bruyants, grossiers parfois.  Tu m'emmenais en dehors de la fête, là où les gitans passaient leurs fêtes à eux.  Tu empruntais une guitare, je voulais t'envoyer la mienne de Belgique mais tu as refusé.  Tu refusais tout. Parfois tu me disais: "tu parles trop".  Tu ne croyais qu'aux actes et tu avais raison.  Moi, en t'aimant au présent, je te trahissais car je m'évadais plus loin."

Mais est-on vraiment plus libre quand on a un papa gitan?

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Galicha s'en va Huile sur toile 65x81 Signé Noa (Poucette).jpeg

"Le jour de ton départ tu t'accrochais à moi et moi j'avais les yeux pleins de larmes, tu ne voulais pas partir.  Des cousins sont venus, vous vous êtes disputés, en gitan.  Vos paroles tournaient autour de moi et tu es parti en remontant les épaules comme si tu avais froid, marchant derrière ta petite carriole, tirée par un cheval, assise sur le sable, comme dans un rêve, je t'ai vu disparaître.  Et c'était une peinture. Moi, je partais en vélo en Tunisie, honteuse, infidèle, je me sauvais, je me détestais. Le lendemain, je montais pour la première fois sur un grand bateau, vers la Tunisie, un autre rêve; et je t'avais déjà oublié."

Galicha (Henri Fournier) envoya deux lettres à Poucette en Tunisie, écrites par un ami.  La deuxième lettre provenait d' Ariane où il s'était réfugié chez un cousin après s'être brouillé avec ses parents. Il lui priait de prendre une décision, d'accomplir ses promesses et de venir le rejoindre au plus vite. Poucette  lui écrivait, mais plutôt des récits de voyage, ce qui inquiétait Galicha.

​

Quelques temps plus tard s'ensuivit  une lettre de la mère de Galicha:

                               Gignac 20 - 10 50

 

                               Madame,

​

J'ai reçu votre lettre et en réponse je vous fais savoir que mon fils est marié et je tiendrais à ce que la correspondance cesse avec lui car je tiens à ce que le ménage marche bien.

​

                   Sans plus

 

                  Recevez Madame, mes

          Respectueuses Salutations

​

                                          Rose

 

​

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A l'âge de10 ans, Galicha avait été fiancé à une petite gitane. 

Suite à ça, Poucette n'a plus jamais écrit.

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